摘要
Il ne s’agit pas d’offrir à Marcel Mauss le contre-don d’une célébration pour souligner le centenaire de la publication de son Essai sur le don , paru en 1923 et 1924 dans l’ Année sociologique . Il s’agit plutôt de montrer que cet essai, qui parle tout autant à l’ethnologie, l’économie et la sociologie, porte non pas sur le geste premier de la générosité gratuite, mais plutôt sur l’obligation de restituer. Et c’est pourquoi Mauss a si brillamment corrigé les égarements de l’Occident, en lui rappelant qu’il avait des obligations envers les peuples qu’il avait spoliés. Et loin de proposer une restitution contrite et avilissante, il entend plutôt lui adjoindre la « fête ». D’où l’idée, sinon la nécessité, de lui offrir un répondant qui, en apparence, lui semble tout à fait opposé, soit un Saint-John Perse tout fraîchement baptisé. Celui qui, la même année, semble vouloir maintenir les codes de l’ancienne civilisation que Mauss veut abattre, en chantant « L’amitié du Prince » qui viendra s’adjoindre à « La gloire des Rois » ; qui publie encore une Anabase qu’on pourrait croire colonisatrice, doit peut-être être lu à rebours. Car c’est, à n’en pas douter, à une célébration que nous convie Saint-John Perse, à ce « don du chant » par lequel il augure, parmi tant de naissances, Anabase . Or ce « don », non seulement confirme une forme de restitution heureuse, mais appelle également, comme Ricoeur le note (dans Parcours de la reconnaissance ), la modalité et le phrasé poétiques. Et c’est alors avec un véritable regard rétrospectif que nous entendons revenir à l’essai de Mauss, mais pour, peut-être, le déplacer complètement ou, au contraire, le replacer en son lieu propre. Car si cet essai a donné lieu à tant de contestations constructives (celles de Lévinas et de Derrida au premier chef), montrant ainsi sa force intellectuelle, il appert que son apport pour la poésie, toujours entendu en sous-main, semble encore à peine reconnu.