L'ambition de cet article est de montrer les apports d'une approche en termes d'ignorance pour la sociologie de l'administration. À partir du cas des rapports d'inspection, il inverse les termes classiques de l'étude des rapports, qui mettent l'accent sur la connaissance produite comme outil de gouvernement, et se fonde sur l'hypothèse selon laquelle cette littérature grise contribue à maintenir l'ordre établi moins par ce qu'elle dévoile que par ce qu'elle tait. Suivant la carrière du rapport d'inspection, il met en évidence les formes quotidiennes et préreflexives qui caractérisent la production inspectorale ainsi que ses conditions de possibilité institutionnelles. En articulant une micro-ignorance et une macro-ignorance, la démonstration contribue à l'analyse des vertus institutionnelles de la méconnaissance.