La notion récente de « capitalisme de surveillance » s’est imposée comme un des principaux outils de théorisation des médiations numériques, permettant de rendre compte de la multiplication des dispositifs de surveillance sous des formes et dans des contextes sociaux très variés. L’expression, polysémique, peut en réalité recouvrir des modèles théoriques tout à fait hétérogènes. Nous pouvons identifier deux grandes stratégies conceptuelles mises en œuvre pour penser la place de la surveillance dans le capitalisme contemporain : une conception faible de la surveillance comme contrôle du travail, et une conception maximaliste de la surveillance comme nouvelle exploitation, en rupture avec les formes traditionnelles du capitalisme. Nous proposons d’élaborer une troisième conception de la surveillance comme reproduction, en montrant comment la diffusion des dispositifs de surveillance, malgré leur diversité apparente, participe à reproduire des institutions politiques, économiques et sociales menacées par la crise et qui pourtant conditionnent le fonctionnement du capitalisme.