Cet article analyse la rupture idéologique et l'ambiguïté de la voix narrative à l'œuvre dans le roman noir français du xxie siècle, en particulier à travers la radicalité des faits que mettent en tension les écrivains Jérôme Leroy, Antoine Chainas et DOA. À travers une approche stylistique et sociologique des textes, l'étude pointe les brouillages esthétiques et les paradoxes formels – qui, bien souvent, confinent à une négation sarcastique de toute valeur morale – avec lesquels jouent les narrateurs et les personnages de ces romans ancrés dans les crises du 3e millénaire. Si l'ironie et le désabusement observés sont un héritage conscient du roman noir américain classique et du « néo-polar », le reniement du progressisme cher au « polar de gauche » contribue à l'émergence d'une expression inédite de la désillusion : l'« ironihilisme », point de vue à la fois impertinent, distancié, trompeur et compromettant sur les discours et les gestes des énonciateurs comme des actants du récit.